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Nouvelle invitée : Madame D

Photo du rédacteur: PlumePlume

Dernière mise à jour : 28 janv.


Une femme dans le miroir éclairée d'une lumière rouge
Reflet de la vérité

À la table de jeu, s’est présentée une nouvelle équipière. Elle a posé son fessier sur la chaise, en attendant que la maîtresse des lieux veuille bien lui distribuer quelques cartes. 

Son maquillage dégoulinant, sa bouche tordue n’étaient pas très inspirants. Elle a attendu quelques temps avant que l’on ne s’adresse à elle. Les autres partenaires, depuis fort longtemps installés, nommés Joie et Enthousiasme, n’envisageaient même pas sa présence, considérée impossible par une nature depuis toujours optimiste. Et pourtant, elle ne put se taire bien longtemps. 


En jouant du coude dans mon flanc, elle enfonça la porte de l’indifférence.

Après nombre de chuchotements au creux du cœur palpitant, englouti par une destinée sans lendemain éclairé, je t’ai jeté les dés. Saisis à la volée tu as pu, toi aussi, tenter ta chance et entrer avec virulence dans mes jours torturés, déguisés d’apparente gaité. 

Madame D, c’est à votre tour de lancer. 

Alors que Joie et Enthousiasme s’interrogent quant au bien fondé de la présence de cette nouvelle venue, ils ne sont pas d’accord avec le bluff de cette squatteuse du bonheur, indélicate et défaitiste. Ils la trouvent laide et déformée car, de son angle noir, elle modifie la vie rêvée en réalité cauchemardesque et perdue pour l’éternité. Ses tactiques négatives et ennuyeuses les plombent comme jamais, ils ne veulent surtout pas jouer avec elle et encore moins perdre.


Comment faire avec cette intruse chaque matin au réveil, habituellement lumineux et inspiré ? 

Les nouveaux jours deviennent alors des défis quand on les croyait acquis à la bonne cause. Il fallait dorénavant retrouver l’intérêt d’être là et en faire à nouveau quelque chose. 

L’évidence du bonheur de la vie n’est plus. 

Elle s’est faite éjectée par la triste réalité dans laquelle ma mère n’est plus. 

Depuis ce jour d’une tristesse infinie, la vie est remplie de mots qui n’ont plus leur sens premier, leur essence matérialisée dans les sourires francs et les éclats de rire à gorge déployée.


À quoi ai-je joué depuis le 17 août 2022, 2 ans, un mois et 13 jours ?

Jouer à être heureuse en craignant de ne plus jamais l’être.


À tous les défenseurs de “la vie est belle”, je répondrais de ne pas ramener votre fraise tagada bien trop douce aux papilles amères de la peine incommensurable.

Écoute l’amie qui a toujours écouté, et qui pour la première fois ne pourra pas remonter ton moral car le sien est descendu dans les entrailles de sa terre morte. 

À la phrase lancée négligemment par maladresse peut-être, “Mais si, la vie est belle !”, je répondrais plutôt qu’elle est cocasse. Dans des moments submersifs, elle engloutit le bon sens, la beauté de l’existence. Plouf ! Enthousiasme et Joie se retirent du jeu. Glou, glou, glou…

Mais comment faire sans eux ? Comment faire sans le soleil que je voyais toujours au-dessus des nuages ?...

Le ciel a le droit d’être noir, de dégouliner sur tes espoirs, tes ambitions, tes projets, ta vie. Mais alors, ai-je le droit de me plaindre de ceci, de dire à ceux qui ne veulent pas entendre ces mots dans ma bouche, que la vie est triste ? Ai-je le droit d’être en dessous de moi ?


Madame D a abattu ses cartes et je crains de ne pas avoir le choix. C’est compliqué de perdre. C’est dur de dire aux proches, à certains qui comptent sur votre joie pour être au top, que ta légèreté a disparu. Elle s’est faite exploser sur le ring de l’adversité, 1 round, KO. 

Mais relève-toi, ce ne sont que quelques contusions qui te contorsionnent, remets-toi debout enfin, t’as connu pire ! Je ne crois pas. 

Celle qui m’a donné la vie n’est plus ici même si elle est dans toutes mes cellules. Vous comprenez ? Non, pas encore ou pas vraiment. Très bien alors s’il vous plaît, gardez en attendant vos paquets de tagada pour plus tard. Ne m’en veuillez pas.


Pour l’instant, la sensation est déplaisante et entendre ce refrain chaque matin se répandre dans mon oreille, tourner en boucle à la radio du jour sans fin, est détestable. Il peut provoquer des comportements inhabituels, vilains aussi mais tant pis. Tant que cette fréquence est la seule que l’on capte, il va falloir écouter cette musique dissonante sans pour autant la fredonner, la nourrir du son de sa propre voix qui jadis chantait à tue-tête la joie d’être là.

Feindre le rire quand tu n’as qu’une envie c’est pleurer. Répondre à la question “tu vas bien ?” quand “bien” ne signifie plus rien. Je préfère attendre que le sourire et la douceur du cœur refassent surface, être à nouveau capable d'effleurer la sérénité, sans la fabriquer de toutes les pièces ramassées dans les souvenirs du passé.


J’ai côtoyé les noirceurs des autres, de beaucoup d’autres sans fermer la porte de ma compassion. Je les ai embrassées, par peur que la tristesse ne les engloutisse à jamais. Je n’ai pas osé approcher, jusqu’à aujourd’hui, celle qui, née des terreurs et peines logées dans mon histoire, a noyé les tréfonds de ma sensibilité. À mon tour d’écouter le dysfonctionnement interne, de brancher le casque, isolée du monde, d’ouvrir le coffre fort de mes détresses et de m'épancher suffisamment pour éviter l'asphyxie.


Faut-il en parler ? Je préfère l’écrire. 


Ma joie n’est plus en forme. Elle est anorexique à force de vomir les bonheurs feints dont elle s’est gavée. Reprendre du poids grâce à l’espoir et la foi quand je serai à nouveau capable d’envisager, sincèrement, un lendemain heureux. Le puzzle des événements est en désordre, celui des idées qui ouvrent vers l’avenir n’organise rien, le présent fait ce qu’il peut.

Se délester de ce poids que j’espérais léger, peut faire apparaître dans l’épais brouillard de l’automne, les formes délicates d’un possible renouveau. Un chemin différent de tous ceux que j’ai connus auparavant, sur lequel je marcherais lentement, très lentement pour ne perdre aucun détail de la construction du nouvel être et du reste de l’existence sans la femme qui m’a portée dans sa chair. 

La recherche d’isssues doit cesser sa course folle. Reformuler l’intention et insuffler dans les cellules endolories la tranquillité. Inutile de creuser la terre à mains nues, continuer d’écorcher une peau déjà à vif pour trouver des trésors, des imaginaires en or.


Le terrain de ma vie est un champ de mines perforé de quêtes absurdes qui fracturent les os. Aujourd’hui fût un demain quand hier est assurément derrière. Un jour de moins à refaire de la mauvaise manière.


Je referme un à un les trous de mes angoisses et me relève doucement aidée par le vent innocent. 


Peggy S


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